[Mise à jour le jeudi 4 février 2020 à 17h42] Après Syntex, Microsoft vient de dévoiler le second étage de la fusée de son Project Cortext : la plateforme Microsoft Viva. Combinée à Teams, elle a pour but de devenir la nouvelle digital workplace de Microsoft 365.
Annoncé par Microsoft lors de son événement Ignite fin 2019, Project Cortex aura pris un an à sortir de terre. Il faut dire que l’initiative est ambitieuse. Cortex est présenté par Microsoft comme « le nouveau service majeur d’Office 365 depuis le lancement de la messagerie d’équipe Teams en 2017 ». L’ambition ? Recourir à l’intelligence artificielle et au Microsoft Graph pour automatiser le classement et le taggage des contenus Office, quel que soit le format, en recouvrant y compris ceux issus d’autres applications SaaS telles Salesforce. « Cortex extrait des thèmes et informations clés, puis tisse un graph de connaissances basé sur les relations entre sujets, contenus et personnes », explique Seth Patton, general manager de Microsoft 365 (nouveau nom d’Office 365). In fine, l’objectif est d’industrialiser le traitement de documents et, via leur analyse, de détecter les compétences de leurs utilisateurs. En clair, le groupe de Satya Nadella entend capitaliser sur l’IA pour équiper sa suite de productivité d’une couche de knowledge management universelle.
La première pierre de Cortex a été posée le 1er octobre 2020. Elle se présente sous la forme d’un centre de contenu adossé à la plateforme documentaire de Microsoft 365 (SharePoint). Baptisé SharePoint Syntex, cet environnement permet d’apprendre à l’IA de Cortex comment saisir des informations spécifiques au sein des documents. Nul besoin d’être un data scientist pour l’utiliser. L’outil est à la portée d’un connaisseur d’Excel. « Par exemple, un expert en gestion de contrats peut lui enseigner comment extraire la valeur d’un contrat, sa date d’expiration et ses conditions générales », indique Seth Patton. Sur cette base, le service crée ensuite un modèle de machine learning (ML) en vue d’appliquer cette tâche à d’autres contrats, et ainsi automatiser en masse la conversion des éléments ciblés sous forme de métadonnées.
Démocratiser la data science dans Office avec Syntex
Par le biais de Syntex, des modèles de ML peuvent notamment être conçus pour ingérer des formulaires. Exit les processus de GED complexes. Il suffit de soumettre cinq formulaires de même type qui serviront de base d’apprentissage à l’IA. En amont, Syntex détecte automatiquement leurs champs en comparant les formes communes à chacun. Il donne la possibilité d’en ajouter à la souris si certains manquent à l’appel. Après avoir sélectionné les champs souhaités, ne reste plus qu’à entrainer le modèle, puis le tester sur une base plus importante. Si le test est probant, l’application est déployable sous la forme d’un flux de robotic process automation (via la brique PowerApps). Un processus qui pourra par exemple intégrer les données extraites à une application métier, ou encore les convertir en méta data associées au scan du document.

Mieux encore, Syntex va jusqu’à générer des modèles appliqués à des contenus non-structurés, tels des fichiers (Word, PDF…) ou des e-mails. Dans ce but, Syntex automatise l’extraction d’entités standard : date, heure, code postal, numéro de téléphone, et autres nombres… Il est évidemment possible d’ajouter des entités spécifiques à un métier donné si besoin. A l’instar des formulaires, cinq fichiers d’exemples contenant les entités cibles doivent être soumis en vue d’alimenter le modèle. Plus prosaïquement, on pourra apprendre à Syntex à reconnaitre des documents en vue de les classer. Dans ce cas, la base d’entrainement doit comprendre cinq exemples correctes (fichiers positifs) et cinq exemples incorrectes (fichiers négatifs).
Au final, les modèles de métadonnées et de classification issus de Cortex viendront enrichir les capacités d’indexation du moteur de recherche de Microsoft 365. Et ce y compris pour les images dont Cortex automatise le taggage sur la base d’un dictionnaire visuel référençant des milliers d’objets.
Microsoft Graph et Azure Cognitive Services
En coulisse, Project Cortex s’appuie sur le service cloud de NLP (pour natural language processing) de Microsoft : Azure Cognitive Services. Mais également sur la brique de taxonomie de Microsoft 365 lancée en juillet dernier. Accessible via les API du Microsoft Graph, elle est taillée pour gérer les référentiels de classifications et de métadonnées communs à une organisation.
« Cortex va générer des pages contenant des informations comme le résumé d’un projet, les personnes qui y contribuent et des référence annexes »
Pour s’ouvrir aux contenus tiers, Project Cortex bénéficie en outre des connecteurs du Microsoft Graph. Il en existe pour Azure Data Lake et la base de données SQL Server, et pour des applications d’autres fournisseurs. Enfin, Microsoft a lancé un réseau de partenaires certifiés pour accompagner les entreprises dans la mise en œuvre de Project Cortex. Parmi eux, on relève l’ESN française Devoteam.
Viva pour rendre les contenus intelligents dans Teams
Dans le sillaghe de Syntex, Microsoft vient tout juste de commercialiser la plateforme Viva. Qualifiée de « nouvelle plateforme d’expérience salarié », elle forme un hub, accessible via Teams, dessiné pour fédérer flux de communications, de connaissances, d’apprentissages… Le tout basé là-encore sur Microsoft 365. En s’appuyant sur l’IA de Cortex et le Microsoft Graph, elle permet d’identifier ce que l’éditeur amricain appelle les « topics » (ou sujets) au sein des contenus Office ou des profils de compétences du réseau relationnel de l’utilisateur. « Il s’agit par exemple de savoir-faire, d’expériences de terrain, de clients… Leur validation par un experiences manager aura pour conséquence de générer automatiquement des pages de topics contenant des informations comme le résumé d’un projet, les personnes qui y contribuent et des référence annexes. Et de même pour un client, un produit ou un processus… », indique un porte-parole de Microsoft France. A chaque topic mentionné dans un document ou un message sera associé un lien vers la page correspondante (cf. animation ci-dessous). Celle-ci pourra d’ailleurs être enrichie manuellement par les experiences managers.
Au-delà de Dynamics 365 et Microsoft 365, « les Viva Topics sont en outre taillés pour intégrer de l’information en provenance de services applicatifs tiers, comme ServiceNow et Salesforce. Mais également des passerelles développées par des partenaires comme Accenture ou Avanade », détaille Jared Spataro, corporate vice président de Microsoft 365.

Les topics sont évidemment mis en avant dans les résultats de Microsoft Search. En réponse à une requête mentionnant un topic de compétence par exemple, le moteur de recherche de Microsoft 365 renverra vers la liste des collaborateurs disposant de l’expertise recherchée. Dans la même logique, les topics sont intégrés aux pages de profil des utilisateurs de la suite en fonction de leur historique de travail. « L’apport sera un gain de temps d’accès à la donnée et aux connaissances, un onboarding simplifié pour les nouveaux employés, et l’accélération de la transformation de l’organisation globale grâce à des expertises plus visibles », ajoute-t-on chez Microsoft France.
Viva Connections : faire émerger des synergies
En bout de course, l’utilisateur bénéficie d’un knowledge center baptisé Viva Connections. « C’est en quelque sorte la gateway de la digital workplace », commente-t-on chrez Microsoft. Objectif : offrir aux dirigeants de l’entreprise un canal de connexion privilégié avec leurs salariés, et à ces derniers l’ensemble des ressources dont ils ont besoin en fonction des groupes auxquels ils appartiennent dans Yammer, la brique de réseau social d’entreprise de Microsoft 365.

Egalement intégré à SharePoint, Viva Connections permet aux employés de suivre l’évolution des savoir-faire sur tout ou partie de son organisation. Mais aussi d’accéder à une liste personnalisée de topics et d’experts internes recommandés en fonction de leur propre activité, de leurs sujets de prédilection, de leurs profils de compétences, et de leur graph de connaissances et de relations personnelles. En parallèle leur seront poussées des questions d’autres collaborateurs auxquelles l’IA de Cortex estime qu’ils peuvent répondre. Via ce knowledge center, ils pourront créer de nouveaux topics non-encore identifiés pour dynamiser l’IA de Cortex : nouveaux projets, nouveaux produits, nouveaux clients, nouvelles procédures.
Viva Learning : l’IA au service de la formation
Au sein de la plateforme Viva, la brique Viva Learning offre un point d’accès unique à l’ensemble des ressources d’e-learning de l’organisation. Elle permet aux managers d’assigner des programmes et d’en suivre l’état d’avancement. Là encore, l’IA recommande des formations en partant de l’analyse de l’historique de travail et du profil du salarié. Microsoft fait ainsi ses premiers pas sur le terrain de l’adaptive learning. Viva Learning peut agréger des contenus en provenance de diverses sources, qu’ils soient conçus en interne ou issus de services comme LinkedIn Learning, Skillsoft, Coursera, Pluralsight ou encore edX. Dans la même logique, Microsoft entend intégrer à l’avenir Viva Learning à des applications tierces de management des formations, parmi lesquelles Cornerstone OnDemand, Saba, et SAP SuccessFactors, avec lesquelles des partenariats ont déjà été signés.

Autre module de la plateforme Viva, Insights fournit à destination des salariés une console d’analyse sur leur activité. Objectif : leur permettre de mieux gérer leur temps de travail. Une solution particulièrement bien venue à l’heure du télétravail.
Viva Insights : l’IA pour prévenir les risques de burn out
Côté managers, Viva Insights pourra générer des indicateurs anonimisés en cas de dépassement des heures de travail. Avec à la clé des recommandations pour limiter les risques de burn out au sein de son équipe, en encourageant par exemple la désactivation des notifications, la définition de limites dans les calendriers, ou l’identification de priorités quotidiennes. Pour les patrons, enfin, Viva Insights est présenté comme un bon moyen de prendre le pouls de l’entreprise, de mesurer les charges de travail, les densités de planning, notamment à l’heure du passage au travail hybride. Au-delà des données de Microsoft 365, Viva Insights pourra s’appuyer sur des informations de trafic en provenance d’autres applications, comme Zoom, Slack, Workday et SAP SuccessFactors, sans oublier LinkedIn pour ajouter au tout des données plus qualitatives sur le sentiment des salariés.

Avec Project Cortex, Microsoft semble bel et bien vouloir réinventer la digital workplace. Une initiative qui ressemble à s’y méprendre à Delve (certes en beaucoup plus moderne). Une application Office lancée par Microsoft en 2014, mais qui semble depuis être tombée aux oubliettes.
Microsoft aura-t-il plus de chance avec Cortex ? Avec ce nouveau projet, Redmond a le mérite de rester en phase avec sa ligne stratégique : démocratiser l’IA et l’ouvrir au plus grand nombre. A la différence de Delve, Cortex a par ailleurs fait l’objet d’une phase de bêta privée (de 9 mois). Elle a mobilisé des dizaines de clients de Microsoft parmi lesquels Arla, Robert Half, Siemens Healthineers ou encore Unilever. Une phase qui aura permis à l’éditeur de confronter le concept au marché et de faire des réajustements avant de se jeter dans le bain de la commercialisation.